Ce débat a eu lieu en novembre 97.
QUESTIONS / DEBAT
I - LA DOT ET LES CASTES
LA DOT
Savez-vous que la dot a été abolie
en 1961 par la Constitution Indienne ? Que représente t-elle
pour vous ?
- Une femme, la cinquantaine, pense que la dot représente
l’argent que les gens demandent soit en argent soit en bijoux.
Elle manifeste son étonnement car elle n’était
pas du tout au courant qu’une telle loi existait. Elle ajoute
qu’il doit y avoir des tas de gens qui se sont mariés
après 1961 et qui ont eu droit eux-aussi à la dot
!
- Une femme, 32 ans, dit qu’à son avis la dot existe
toujours. Elle n’a pas vécu en Inde mais d’après
le peu qu’elle voit dans les films indiens actuels, cela existe
toujours et le mari l’exige encore.
- Une femme, la trentaine, française d’origine, raconte
qu’elle est allée en Inde en 1990 et qu’elle
y a rencontré un jeune homme avec qui elle s’est liée
d’amitié. Ce dernier était marié depuis
3 ans et il avait eu une dot. Donc en 1987, la dot existait encore
malgré la loi.
- Une femme, 35 ans, dit que la dot est profondément ancrée
dans la mentalité indienne et si le gouvernement a pris la
décision d’abolir cette dot, c’est parce qu’elle
était cause de beaucoup de souffrance dans l’état
du Tamil Nadu. En France, dans les pays d’occident, il y a
le trousseau. Si les familles veulent donner quelque chose à
leurs enfants, libre à elles. Mais que ce soit exigé,
que des famille souffrent, ce n’est pas tolérable.
La dot est-elle pour vous une question de fierté
?
- Un homme, 30 ans, dit que même si la dot est abolie, la
jeune femme ne se trouve pas sur un pied d’égalité
dans un mariage arrangé par rapport à la dot. La question
de dot est quelque chose qui vient tout naturellement aux parents
qui se sentent privilégiés, sur un piédestal
presque ; ils ont une supériorité par rapport aux
futurs beaux-parents et c’est quelque chose de regrettable.
Si les parents qui ont une fille à charge ne se considéraient
pas comme « inférieurs », cet aspect de dot serait
aboli.
- Une femme, 48 ans, explique qu’il y a 2 façons de
voir. Celle des gens souvent illettrés ou pas très
éduqués. Pour eux, le mot dot est quelque chose de
très présent et qu’ils ne veulent pas changer.
C’est un privilège d’être un homme et quand
la femme arrive, il faut qu’elle ait une dot. Cette femme
doit emmener sa part de cadeaux et c’est une obligation. Les
paysans et les villageois ne sont pas au courant de cette loi de
1961. Et puis, il y a aussi les gens éduqués qui connaissent
la loi mais n’en tiennent pas du tout compte. Elle soupire
qu’il y a beaucoup de lois en Inde et peu de gens en tiennent
compte. Le système des dots est de plus en plus fort dans
les classes moyennes. Parfois dans certaines familles du Sud, dans
les basses castes, on supprime la fille dès la naissance.
- Une femme, la trentaine, dit que la dot est une réalité
indienne. Cela vient du mot hindi ou sanscrit « Kanyadan »
qui veut dire « cadeau pour la fille ». Les parents,
il y a quelques années, faisaient un cadeau au moment du
mariage de leur fille et à un moment donné, cela a
prit des proportions abusives et tous les gens du Nord sont au courant
de ce sujet brûlant qui a fait couler beaucoup d’encre
dans la presse. On parlait partout de la « dowry death »
(mort à cause de la dot). C’est une réalité
qu’on ne peut pas nier.
Est-ce un cadeau lorsque la dot est exigée
? Et est-ce normal qu’une fille soit brûlée sous
prétexte qu’elle n’apporte pas de dot ?
- Une femme, 27 ans, trouve que ce n’est pas normal du tout
que les filles soient brûlées. C’est même
révoltant. Quant à la dot, c’est comme si on
achetait la fille. Ce n’est pas du tout un cadeau. C’est
comme si on payait pour donner sa fille en mariage. C’est
quelque chose qu’elle n’arrive pas du tout à
comprendre.
- Une femme, 29 ans, pense au contraire que c’est la fille
qui achète son futur époux avec sa dot.
- La jeune femme de 27 ans acquièsce, rajoutant que c’est
aussi la famille qui vend la fille.
Le public et l’équipe concluent que c’est donc
un marché.
Est-ce que le sens de ce mot a changé au
fil du temps ?
- Un homme, 30 ans, revient sur le mot « marché ».
Autrefois, en Chine, la dot existait pour compenser le fait que
la femme ne travaillait pas au sein du couple. Les parents compensaient
avec l’argent pour équilibrer les choses entre le couple.
Maintenant, les choses ont évolué : l’homme
et la femme travaillent. A l’époque, ce n’était
pas un marché comme aujourd’hui.
- Une femme, 50 ans, dit que si la femme est éduquée,
si elle ramène un salaire, elle peut amener sa parole, c’est
ça le changement dans la société. Nous qui
vivons ici, on le voit. En Inde, il y a une certaine catégorie
de filles qui n’amènent pas de dot mais un diplôme
et qui plus tard font égalité avec le mari. C’est
ça le changement. C’est comme ça que les parents
font maintenant.
- Une femme, 35 ans, pense qu’au départ, la dot a une
notion de cadeau parce que justement les filles n’avaient
pas de part dans l’héritage familial. Donc les parents
voulaient donner un petit cadeau à la fille lors du mariage
parce que les garçons bénéficiaient de l’héritage.
Après, avec le temps, cette notion de cadeau a changé
et c’est le statut de la famille qui a été en
jeu. Quand les parents voulaient marier leur fille, la dot était
là pour montrer aux autres qu’ils avaient un statut
respectable, riche ou bien placé dans la société.
Pour vous, l’absence de dot est-elle un
empêchement à la conclusion d’un mariage ?
- La femme, 53 ans, raconte qu’un mariage peut se casser
parce que certaines familles exigent énormément suivant
les études du garçon. Donc certaines familles du côté
de la fille s’endettent par fierté. Parfois, ils ne
peuvent pas y arriver et le mariage est cassé. Que ce soit
en Inde ou en France, la dot existe. Ça prendra longtemps
pour percer et il n’y a que dans les mariages arrangés
que la dot existe. Quand c’est un mariage d’amour, que
le garçon et la fille se comprennent, ils s’arrangent
entre eux pour qu’il n’y ait pas de dot. Beaucoup quittent
les parents quand une question de dot se joue. Une discussion s’instaure
dans le couple pour refuser la dot et s’accepter l’un
pour l’autre. C’est un peu rare aussi. Mais la plupart
du temps, les parents en profitent, en prétextant les études
du garçon et demande en échange : voiture, maison,
argent. Ça existe.
- Un homme, 30 ans, dit qu’il faut bien faire la distinction
entre mariage d’arrangement et mariage où les deux
s’entendent.
- Une femme, 25 ans, explique que dans les écrits védiques,
la dot n’est pas du tout matérielle. Ce sont les qualités
de la femme qu’elle devrait avoir lors de son mariage : sagesse
et beauté. Ce sont les hommes qui ont tout transformé
en matériel (argent, bijoux). Le fait que les parents veulent
donner un cadeau à leur fille le jour du mariage, ça
les regarde. C’est peut-être une bonne chose : c’est
la fille qui aura de la chance. Mais par contre, qu’elle soit
exigée par les beaux-parents, elle n’est pas d’accord
du tout. Elle dit que c’est à nous de faire évoluer
les choses. Si tous les parents des filles refusaient de donner
une dot, ça pourrait faire évoluer les choses et ça
éviterait les annulations de mariage qu’on peut entendre
car aujourd’hui, on peut annuler un mariage si la dot n’est
pas suffisante.
Y accordez-vous de l’importance ?
- Un homme, la soixantaine, dit que la dot est une question de
fierté de la part des parents de la fille. Plus la dot est
élevée, plus l’emprise de la belle-famille est
grande sur le gendre. Il faut prendre garde à cela aussi.
- Une femme, la cinquantaine, dit qu’il ne faut pas confondre
« cadeau » et « dot » car cette dernière
est exigée alors que le cadeau est librement consenti et
donné. C’est comme ici le trousseau : on le donne suivant
ses moyens. Le cadeau est différent ; la dot est exigée.
Connaissez-vous la valeur de votre dot ?
A cette question de l’équipe, le public ne s’est
pas exprimé.
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